Avant-propos : cet article a été réalisé dans le cadre du Challenge Data #6, une semaine de défi autour de la donnée, organisée par Datactivist pour les 4e années de Sciences Po St Germain en Laye en décembre 2023. Celui-ci a été réalisé en 5 jours (ce qui peut expliquer, dans certains cas, le manque de réponse de la part de certains acteurs mentionnés dans l’article). Pour en savoir plus sur la méthodologie mise à disposition des étudiants, vous pouvez y accéder via ce lien.
“La Région Sud aspire à ouvrir 200 boutiques de 2022 à 2024” affirme Céline Laperrière, du service Entrepreneuriat, transitions écologiques et numériques des TPE-PME de la Région Sud. Cette ambition vise à lutter contre le développement des zones commerciales en périphérie des villes et la disparition des commerces de proximité. Ces derniers fournissent des services et produits de quotidienneté et se caractérisent par la fréquentation répétée et régulière des consommateurs.
En opposition aux grandes surfaces, les commerces de proxité s’implantent près des pôles de vie. Face au phénomène de désertification du cœur des villes, la Banque des Territoires décide de subventionner une multitude de politiques publiques pour soutenir les commerces de proximité des centres-villes au sein des petites et moyennes villes, via le programme “Action Cœur de Ville”. Lancé en 2018, ce plan national, dont l’objectif est la revitalisation des centres-villes, concerne 234 communes en France, dont 13 en Région Sud.
Nous avons sélectionné une base de données disponible sur l’INSEE, recensant les équipements par commune, puis nous nous sommes concentrées sur les commerces de proximité des villes de la Région Sud concernées par le plan “Action cœur de ville”. Le premier constat était que dans l’ensemble de ces villes, il y a moins de commerces de proximité en 2021 qu’en 2016, et ce, malgré le lancement du programme. En 2016, il y avait au total dans ces 13 villes 3 458 commerces de proximité, alors que cinq ans plus tard, il y en a 3 041, soit 417 de moins.
La collecte de données implique cependant quelques limites : certains jeux de données n’étaient pas exploitables ou bien lacunaires, nous avons donc choisi de ne pas les traiter. De plus, nous avons trouvé beaucoup de données à l’échelle des communes, mais peu à l’échelle de la Région Sud ; il nous a donc fallu les agréger.
Dès lors, le plan “Action Cœur de Ville”, censé en partie relancer les commerces de proximité, est-il réellement aussi efficace que prévu ? C’est un peu plus compliqué que ça… Il existe une grande hétérogénéité de la mise en œuvre du plan dans les différentes villes, entre aides indirectes et directes.
Les villes de Digne-les-Bains et Draguignan illustrent la mise en place de subventions indirectes dans le cadre du plan “Action Cœur de Ville”. À Digne-les-Bains, la ville comptait 152 commerces de proximité en 2016, contre 111 en 2021. Une commerçante de la ville précise qu’au début de la mise en place du programme, les associations de commerçants collaboraient avec la mairie pour l’implanter, mais ont été progressivement délaissés. Les projets liés à “Cœur de Ville” concernent maintenant principalement l’habitat, l’objectif étant de ramener les citoyens au cœur de la ville.
À Draguignan, la même tendance est observable : alors qu’en 2016, il y avait 10 magasins de proximité qui proposaient une offre d’électroménager et de matériel audio-vidéo, en 2021, la ville ne comptait plus que 3 boutiques de ce type. Au total, 88 commerces de proximité à Draguignan ont fermé de 2016 à 2021. La commerçante confie que les commerces n’ont pas été la priorité des politiques mises en place par la municipalité. La mairie a misé sur la stratégie de “long terme” en investissant le budget d’”Action Cœur de Ville” dans des infrastructures comme les rues piétonnes et les musées. La commerçante résume son point de vue sur l’impact du projet sur les commerces de proximité en concluant "À Draguignan, “Action Cœur de Ville”, c'est du néant”.
.png)
À Carpentras, on constate que quelques commerces continuent de fermer : 63 commerces de proximité ont disparu de 2016 à 2021. Cependant, les commerçants bénéficient toujours d’un contact privilégié avec les élus et ont accès à des conseils tendant à renforcer leur activité. Ces indications remplacent une aide financière qui serait directement versée aux commerçants. En effet, les subventions sont consacrées à l’investissement dans les infrastructures – comme une nouvelle salle de spectacle – et dans l’embellissement de la ville. L’objectif est donc d’attirer les touristes dans une perspective de ruissellement durable. À Tarascon, la mairie utilise les subventions pour organiser des animations dans la ville. D’après le président de l’association des commerçants, les commerçants sont “ravis” des bénéfices de ces animations, même si elles ne concernent pas directement leurs commerces.
“La Mairie organise ça [les animations] depuis quatre ans, et cela attire de plus en plus de monde : les commerçants qui étaient réticents au début se sont plus impliqués au fil des années”
M. Carrière, Président de l’association des commerçants de Tarascon